LE ROLE DES FEMMES DANS L'EVOLUTION DES SOCIETES - 13 Octobre 2011
INTERVENANTS :
BRIGITTE LAMOURI, déléguée départementale aux Droits des Femmes et à l’Egalité.
LYNNE FRANJIE, maître
de conférences à l’université de Stendhal-Grenoble 3, directrice
adjointe de l’UFR de langues étrangères et responsable de la section
d’études orientales et de la section d’arabe.
RASHA NAGEM, libyenne, enseignante à l’université Toulouse 2 Le Mirail.
Cette
troisième et dernière conférence a mis en lumière la place que les
femmes avaient su prendre dans les révolutions, aussi bien anciennes que
contemporaines.
Brigitte Lamouri a
tout d’abord rappelé l’obtention du Prix Nobel de la Paix en 2011 par
trois femmes : deux libériennes Ellen Johnson Sirleaf (surnommée la
« Dame de Fer ») et Leymah Gbowee, et une yéménite Tawakkul Karman.
Toutes les trois partisanes de la non-violence pour instaurer la
démocratie et le respect des droits des femmes dans leur pays.
Les
femmes ont toujours participé, directement ou indirectement à toutes
les évolutions jusqu’aux plus traumatisantes (Première Guerre Mondiale
avec leur rôle dans l’économie française, Révolution Française, Seconde
Guerre Mondiale avec leur rôle dans la résistance…). Dans chacune de ces
révolutions, la reconnaissance envers les femmes a toujours été
importante à chaque étape. Il règne tout de même une idée de
contribution « exceptionnelle » par rapport à ce qu’était
traditionnellement leur rôle. Cette reconnaissance ne s’est pas
transformée en acquisition de droits à chaque fois, seulement après la
Seconde Guerre Mondiale.
Il y a eu un réel travail de réhabilitation de la femme dans l’Histoire.
Aujourd’hui,
les révolutions arabes - ce soulèvement des populations contre
l’oppression - posent la question du combat au cœur de ces révolutions
pour les femmes ?
N.B
: En juin 2011 a été créée la Fondation des Femmes de la Méditerranée
dans le but de favoriser l’égalité des femmes au sein du bassin
euro-méditerranéen.
Lynne Franjié a décrypté le phénomène du "Printemps Arabe" et notamment le rôle que les femmes y ont joué et y jouent encore.
Le
terme « Printemps Arabe » n’est pas fidèle à la locution utilisée par
les militants, mais le mot « Révolution » est mieux adapté. Cette
révolution a donc été portée grâce notamment aux réseaux sociaux où la
voix des femmes a été écoutée. Dans la rue, toutes les femmes sont
sorties manifester : vieilles ou jeunes, mariées ou non, voilées ou non…
Elles
étaient présentes dans tous les pays, même les plus conservateurs comme
le Yémen par exemple. Parfois rejetée par l’Etat pour cause de "mixité
illégale", elles sont alors descendues de plus en plus nombreuses pour
se faire entendre. Les pays plus ‘laïques’ ont moins été représentés par
les femmes. Ces actions féminines et féministes sont moins documentées.
Ce
qui est intéressant, c’est la place que les femmes se sont créées et
ont pris dans les médias. Elles sont très différentes de l’archétype de
la femme arabe.
Des exemples de femmes ancrées dans la révolution sont, entre autres :
- Nawal El Sadawi, 80 ans, féministe égyptienne et écrivaine,
- Tawakkul Karman, pacifiste défenseure des droits de la femme au Yémen,
- Lina Ben Mhenni, blogueuse et auteure de « Tunisian Girl »…
Écrivaines, réalisatrices, historiennes, ces femmes ont été éduquées à l’occidentale.
Tawakkul
Karman a créé un lieu virtuel appelé Place de la Liberté pour permettre
aux femmes de s’exprimer d’une seule et même voix contre la torture, la
dictature, l’oppression politique et sociale, le non respect des droits
des citoyens arabes… Elle fait réellement partie de ces femmes qui font
changer le monde.
Aux
cotés de ces femmes musulmanes militantes sont apparus de jeunes
trentenaires cyber-militantes, comme Lina Ben Mhenni et son blog devenu
livre « Tunisian Girl ». D'autres sont les instigatrices d’un grand
rassemblement. D'autres encore, utilisèrent les réseaux sociaux (tweets
sur la révolution…).
Mais
toutes ces femmes, connues ou inconnues, n’ont pas commencé leur combat
avec la révolution arabe. Femmes au foyer ou étudiantes, elles
agissaient déjà avec des associations qu’elles avaient créées bien avant
les révolutions arabes.
Une
grande masse de femmes qui se sont engagées sur la place publique
n’avaient aucune prédisposition socio-politique. Elles craignaient que
leurs revendications après la révolution ne soient plus considérées :
elles ont peur d’être oubliées par les partis qui se sont engagés à les
mettre en avant. La mixité des partis politiques ne sont pas forcément
une victoire pour les femmes car ce sont souvent des partis extrémistes
islamiques qui ne permettent pas des évolutions pour les femmes
progressistes.
Le voile après la chute de Ben Ali en Tunisie est devenu un réel symbole de liberté.
Des
femmes arabes artistes ont voulu faire de ce symbole une véritable
démarche vers le changement et l’évolution de leurs droits.
Ces
différentes étapes, la chute de Ben Ali en Tunisie, celle de Moubarak
en Egypte, celle de Kadhafi en Libye, seront à l’origine de réelles
évolutions en faveur du changement de leurs sociétés.
Rasha Nagem,
universitaire d’origine libyenne, a voulu partager des témoignages, son
témoignage, afin de montrer la révolution du point de vue libyen.
Ce pays est sous l’emprise de la domination de Kadhafi depuis 30 ans.
Dans les années 30 existaient des mouvements de libération des femmes, bien organisés, qui défendaient notamment :
- L’éducation des filles, avec une ouverture toujours plus grande à l’Est (à proximité de l’Egypte). Ceci a permis de créer des écoles pour ces étudiantes.
- A l’indépendance de la Libye, le droit des femmes à travailler est instauré.
- En 1962, les femmes obtiennent le droit de vote. Cela se passe plus tôt que dans les autres pays arabes.
La Libye est en passe d’avoir donc le statut de pays progressiste.
Lors
du coup d’état de 1969, un homme, Mouammar Kadhafi, promet à la Libye
l’égalité des droits, une liberté sociale… Tous ces mots pour accéder au
pouvoir et instaurer en réalité la tyrannie.
La
révolution culturelle, place des Martyrs à Tripoli, marque le début
d’une hégémonie de son chef d’état : Kadhafi fait bruler toute œuvre
(littéraire, photographique, documentaire…) qui n’est pas en accord avec
lui et/ou son dogme. Puis il promulga "son Coran", le livre vert.
Depuis 1969 jusqu’à aujourd’hui, les massacres perpétrés sur l’ordre du Colonel Kadhafi ont été innombrables.
L’origine
du soulèvement de la population, donnant naissance à ce « Printemps
Arabe », est l’emprisonnement de milliers de libyens suite à un
désaccord avec la doctrine de Kadhafi. Ces prisonniers furent exécutés
immédiatement après leur incarcération. Et pendant plus de 13 ans, le
Colonel et ses disciples ont fait croire aux familles qu’ils étaient
toujours en vie. Ces familles ont donc apporté de la nourriture et des
vêtements propres à des corps qui n’existaient déjà plus. Un jour, ils
ont voulu voir les êtres qui leur étaient chers… mais pour une raison
obscure à leurs yeux, ils n’ont pas pu. C’est en 2009, lorsque la vérité
sur ces prisonniers a éclaté que les familles se sont rebellés : pour
exprimer leur douleur et témoigner de la torture et l’infamie du régime
Kadhafien.
Les
révolutions des pays voisins n’ont fait qu’accélérer un mouvement
latent, et ont permis de déclencher la révolution en Libye.
Les
mères, les premières, sont sorties dans les rues suivies par les
jeunes. La réaction du colonel Kadhafi : tirer sur tout le monde, sans
exception.
Quelques jours après, la Révolution commence : la guerre civile est déclarée à Mouammar Kadhafi.
La
crainte est dans tous les pays, la marginalisation de la femme est
d’autant plus forte que l’instabilité politique et militaire s’installe.
La Libye est coupée de l’étranger.
Les
libyens qui reviennent en Libye sont ceux de la diaspora,
principalement des Etats-Unis (provenance rejetée par le monde arabe).
L'Europe n’a pas su tendre la main au peuple libyens au moment de leur
exil.
Les
intellectuels des pays libérés ont besoin maintenant de se sentir
soutenus par des associations de pays libre afin de les aider à mettre
en place aujourd’hui l’ "après dictature".
Les
femmes libyennes « libérées » ont une grande volonté, mais manquent de
soutien. Au-delà des aides humanitaires, elles ont un grand besoin
d’échange, d’entraide afin de créer et développer une démocratie laïque.
La
laïcité fait peur au monde arabe avec une image antireligieux. Il
apparait nécessaire d'informer les populations sur ce que représente la
laïcité : apprendre la démocratie tout en respectant les opinions
religieuses.
Les
islamistes extremistes s'appuient sur cette mauvaise compréhension de
la laïcité pour gêner l'accés des populations à la démocratie.
« Aujourd’hui,
le Colonel Mouammar Kadhafi est mort, dans un raid organisé en synergie
par l’OTAN et des rebelles. Un gouvernement de transition va être mis
en place. Les forces alliées essaient d’aider au mieux la Libye à
retrouver une certaine stabilité, et à instaurer une démocratie laïque,
rêve de tout un pays. »
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