LES
VIOLENCES CONJUGALES SUBIES PAR LES FEMMES - 11 Octobre 2011
INTERVENANTS :
BRIGITTE LAMOURI, déléguée départementale aux Droits des Femmes et à l’Egalité.
ROKHAYA DIALLO, animatrice télé et radio, chroniqueuse et fondatrice de l’association « Les Indivisibles ».
TIEN LALLOZ, directrice de la SAVIF/PEA (Stop A la Violence Intra-Familiale/ Protection de l’Enfant, de l’Adolescent et de l’Adulte).
DANIEL WELZER-LANG, sociologue et professeur de sociologie à l’Université Toulouse 2 Le Mirail.
La
première conférence s’est déroulée le mardi 11 octobre 2011, ayant pour
sujet « Les violences conjugales subies par les femmes ». Beaucoup de
réactions ont été suscitées à la suite des différentes données relatées
par nos intervenants de qualité.
Rokhaya Diallo
a introduit la conférence en nous rappelant tout d'abord que les
violences faites aux femmes relèvent de la traditionnelle domination
patriarcale héritée de siècles de faits sociétaires.
De son coté, Brigitte Lamouri nous
a soumis à la dure réalité des chiffres 'clés' des violences subies par
les femmes : tous les 2,5 jours un viol est comptabilisé. De plus, 1
femme sur 10 subit des violences dans son couple et seulement 1 victime
sur 8 ose porter plainte contre son agresseur (agresseur souvent
identifié comme un proche de la victime). Cela indique clairement le
fait que nous ne connaissons que la partie émergée de l’iceberg.
Fait
encore plus déroutant: en 2010 ont été recensés 75 000 viols, soit 1
viol toutes les 7 minutes en France. Cette donnée illustre de façon
terrible l’une des premières violences subies par les femmes. C’est un
réel fléau planétaire, car en dehors du territoire national. A l’autre
bout du monde, une femme violée est punie pour avoir porté le déshonneur
sur sa famille, il y a des pays où les victimes se font lapider. Or,
ces violences sont liées : elles ont toutes lieu du fait de
l’appartenance au sexe féminin.
Ces
faits sont pourtant une des premières atteintes aux Droits de l’Homme.
En France, des mesures législatives ont été mises en place : devant une
telle recrudescence des violences (autant physiques que morales) une loi
a été adoptée l'été dernier. Selon celle-ci, les violences faites aux
femmes au sein de leur couple sont enfin passibles de sanctions pénales :
la protection et l'accueil des femmes en danger sont d'autant plus
intensifiés.
Il
faut se rappeler qu'avant 1990, le viol n'était pas reconnu s'il y
avait un lien marital entre victime et agresseur. Au sein du foyer
conjugal, les victimes sont dans leur cadre familial, et ce sont les
hommes avec qui elles ont choisi de vivre qui leur enlève leur liberté.
Sans compter les victimes collatérales de ces abus : enfants, parents…
(représentant plus de 250 personnes par an).
Le
coût global de ces violences au niveau national ainsi que des
répercussions qu’elles entraînent s’élève à un total de 2,5 milliards
d’euros répartis principalement sur :
- Les frais médicaux suite aux coups, abus et blessures,
- Les frais de relogement des victimes recueillies…
Grâce
aux stratégies interministérielles, aux associations indépendantes, un
plan triennal 2011 – 2013 est mis en place et se dessine autour du
triptyque Victime/Auteur de violence/Enfant.
D’où,
par exemple, l’homogénéisation de l’âge légal du mariage : avant les
filles pouvaient être mariées à l’âge de 15 ans et 3 mois (majorité
sexuelle, et avec accord des parents) contre 18 ans pour les garçons.
Aujourd’hui, l’âge légal est le même pour tous, soit 18 ans.
Plusieurs
ministères, et quelques ambassades, sont mobilisés afin de veiller à
l’uniformité des règles sur le territoire et afin de bénéficier d’une
synergie de pouvoir pour mettre des actions concrètes en place.
L'accueil de ces femmes victimes d’abus et de violences est ensuite traité par Tien Lalloz
car au sein de l’association SAVIF/PEA les femmes peuvent trouver
réconfort, écoute, compréhension et surtout courage et dignité, deux
qualités qui leur sont enlevées par l’agresseur.
Toutes
les couches de la société sont touchées par ce fléau, la femme victime
d'une agression par un proche et/ou un conjoint n'a pas de profil type
... C'est Madame Tout-Le-Monde.
C'est
pourquoi cela reste encore un problème profond de notre société. Cette
"Madame" peut être notre voisine, notre cousine, notre sœur, notre
mère... mais le silence empêche la lutte.
La
peur des représailles, la honte, la perte d'identité ou encore la peur
d'être démunie de sa qualité de femme pousse souvent les victimes à
enfouir cette douleur.
Le
facteur de risque est bien souvent la fragilité de la personne. En
effet, il existe un rapport de forces inégal lorsque cela se passe. Un
simple conflit conjugal met en scène deux individus égaux, alors qu’une
violence n’est définie que par un rapport de dominant / dominé. Le but
de créer une soumission permanente du partenaire afin de détruire
l’autre personne, de l’assujettir. C’est un cercle vicieux : plus la
victime est soumise, plus l’agresseur est en position de force.
La violence peut s'exprimer sous plusieurs formes :
La violence peut s'exprimer sous plusieurs formes :
- Psychologiques ou verbales : la femme est dénigrée, humiliée, dégradée, dans sa valeur en tant qu'individu. Les scènes de jalousie, les menaces, un contrôle de ses activités, des tentatives pour l'isoler de ses proches et de ses amis pouvant aller jusqu'à la séquestration. Ne voulant pas empirer la situation, la victime cède à la soumission.
- Violences physiques : une femme peut être atteinte dans son intégrité physique : de la gifle à la strangulation, parfois même en ayant recours à des objets...
- Violences sexuelles : contraignant l'autre a des actes non choisis. Le viol n'est reconnu dans le couple que depuis 1980.
- Violences économiques : entraînant pour la femme une privation de moyens ou de biens essentiels, un contrôle ou une spoliation, parfois même lorsque la femme a une activité rémunérée.
Elle se développe par cycles, pouvant toucher les enfants :
- L’escalade : c’est la phase de l’installation des tensions et des violences (physiques ou verbales). Petit à petit, cela réduit l’estime de soi de la victime et instaure la peur.
- L'explosion : l’auteur donne l’impression de perdre le contrôle de lui-même, « il dit qu’il ne peut pas s’en empêcher ».
- Le transfert de responsabilité : ici, la victime intériorise son agression, prend partie pour l’agresseur, minore son état et se rend responsable de ce fait.
- La lune de miel : l’agresseur s’excuse, minimise les faits et promet de ne plus recommencer.
Souvent,
l’auteur de violences est prêt à tout pour faire revenir sa victime car
sans elle, il n’a plus de raisons d’être violent.
Pour
sortir de la violence, cela n’est pas aussi simple : il faut tout
d’abord que la victime se considère en tant que tel, et bien souvent
cela n’arrive pas. Il faut atteindre le seuil de l’intolérable : ce
seuil est spécifique à chaque femme, par rapport au vécu qu’elles ont,
aux pressions qu’elles subissent, à l’aide qu’elles reçoivent de
l’extérieur, la peur et/ou l’amour qu’elles ressentent envers l’auteur
des violences.
L’enfant
spectateur est victime lui aussi : il se sent responsable, sert de
monnaie d’échange et parfois même, reproduit ce qu’il a vu. C’est
pourquoi il faut également agir sur ces victimes là. Les accompagner,
respecter leur rythme, établir une communication différente, s’adapter,
les écouter et les croire, rester disponible.
Des
actions concrètes sont mises en place afin de permettre aux victimes
(femmes ou enfants) à reprendre le contrôle de leur vie, leur redonner
confiance.
90%
des plaintes pour violences conjugales sont classées sans suite pour
défaut de preuve matérielle. Sans reconnaissance psychologique et
sociétale de ce mal, les choses ont du mal à avancer, les victimes
aussi.
Et les hommes dans tout ça?
Daniel Welzer-Lang a su décortiqué le premier contingent de la violence conjugale : l'homme violent.
Pourquoi en est-il arrivé là ? Comment le prendre en charge ?
Il
y a 20 ans de cela, la violence psychologique n’était pas reconnue
comme violence à part entière. Les représentations collectives ont
évolué, notre société aussi, les lois également.
Selon
les statistiques, 50% des hommes violents ont plus de 35 ans, et toutes
les catégories socio-professionnelles sont concernées. Cependant, en
comparution immédiate, ce sont souvent des hommes plus jeunes qui sont
inquiétés. Les catégories socio-professionnelles supérieures, elles,
sont absentes au tribunal dans la plupart des cas.
La
loi existe mais n’est pas appliquée à tous de la même manière. Le
combat commence ici : l’application des lois contre les violences doit
être contrôlée afin de réduire les abus.
La violence faite aux femmes n’est qu’une strate : il existe un problème sous-jacent.
C’est
un symptôme de la domination masculine dans les représentations avec
lesquelles nous avons été éduqués. Nous voulons transformer les rapports
seulement il n’y a pas d’autres réponses aux hommes violents que la
coercition carcérale. Il est donc toujours question de la loi du plus
fort. Nous manquons de moyens pour changer cela : il faut accueillir ces
hommes pour mieux les prendre en charge.
Si l’on ne permet pas aux hommes de changer alors on ne pourra pas aller au cœur du problème.
Les
hommes violents et les femmes qui subissent les violences doivent être
pris en charge. Certes, avec des solutions adaptées aux maux auxquels
ils sont sujets, mais nous devons agir sur les différentes strates de la
violence pour permettre l’éradication de celle-ci. Sans oublier les
victimes collatérales de ces préjudices.
« Pour que l’intolérable ne soit plus toléré. »
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