CONFERENCE 10 ANS APRÈS : ÉTAT DES LIEUX ET
PERSPECTIVES DE LA SITUATION DE LA FEMME DANS LA SOCIÉTÉ.
INTERVENANTS :
ROKHAYA DIALLO,
animatrice télé et radio, chroniqueuse et fondatrice de l’association
« Les Indivisibles »
BRIGITTE LAMOURI,
chargée de Mission Départementale aux Droits des Femmes et à l’Égalité.
MARIE-CECILE NAVES,
sociologue et politologue, docteur en science politique, membre de Think Tank
Different dont elle est responsable des études du laboratoire politique. Elle
vient notamment de terminer la co-rédaction d'un rapport sur les Stéréotypes
filles-garçons dans l'enfance et l'adolescence, qui lui a été commandé par la
ministre des Droits des femmes.
DANIEL WELZER-LANG,
sociologue et spécialiste français de l'identité masculine, il est professeur
de sociologie en études genres à l'Université de Toulouse Mirail. Il
interviendra sur le sujet : "Effets des luttes des femmes sur les hommes,
l'égalité en marche".
Le droit des femmes en France est
très récent : c’est une histoire de 50 ans. Cette évolution rapide a été
perturbante pour notre société et s’est vue limitée. La France produit beaucoup
de textes pour l’égalité, mais rencontre des difficultés pour les mettre en place.
On entend souvent le discours
« antiféministe » : « Vous avez déjà obtenu beaucoup, de
quoi vous plaignez-vous ? ». Le combat féministe n’est pas un combat
contre les hommes, mais plutôt contre le patriarcat, contre le système, les
habitudes, le sexisme... Les ancrages dans les mentalités sont tellement
nombreux et sous tellement de facettes que le combat sera bien long et
difficile avant d’atteindre une réelle égalité.
Ce qui va aujourd’hui être déterminant
pour le changement à venir est la méthodologie qui permettra la mise en place
de l’égalité : prendre en considération les besoins actuels des hommes et
des femmes le « gendermainstreaming » et le recours à des mesures positives pour corriger
les inégalités en Union Européenne.
La France projette la mise en
place de la transversalité des ministères avec les collectivités locales.
La semaine de l’égalité
2013 abordait les sujets du plafond de verre dans la fonction publique, de
l’approche de la mixité des métiers en 2014, et la mobilisation des
entreprises.
Question : comment les ministères agissent-ils pour
l’égalité ? Exemple pour le logement : quels sont les processus ?
Etude de l’impact sur le fonctionnement législatif, quels sont les effets
produits sur les hommes ? Sur les femmes ? Comment ces torsions
peuvent-elles être corrigées ?
Des référents préfectoraux sont
chargés de traiter ces questions :
- HCE/fh
- MIPROF
Au 21ème siècle, nous sommes la 3ème génération
de droits des femmes) :
- La 1ère génération a subi une
« discrimination légale » ;
- La 2ème génération a vu la création
de droits nouveaux ;
- La 3ème génération, celle
d’aujourd’hui, est celle de la lutte contre les stéréotypes et pour
l’effectivité des lois.
Déjà des effets de la législation
sur les parités quelques évolutions sont à noter :
· En 10 ans, par deux fois un ministère a été centralisé
sur le droit des femmes (en 2004 et 2012)
· Il y a eu un éclatement des résistances :
des femmes s’installent dans des métiers d’hommes.
·
L’égalité tangente dans des groupes importants
avec des objectifs chiffrés : recrutement, carrières d’entreprise... Les
entreprises ayant les moyens donne l'exemplarité sur le tissu économique des
PME/PMI. Ex : GDF SUEZ
On peut noter également
l’adaptation des foyers : notamment pour la garde d’enfants (mais 80% des
tâches ménagères sont encore réalisées par des femmes). Les systèmes de gardes
d’enfants sont encore insuffisantes, il faudra encore des investissements pour
améliorer le nombre de places proposées en structures.
Les stéréotypes sont encore très forts.
Des actions sont menées pour
tenter d’agir plus en amont : ABC de l’égalité proposé aux primaires et
enfants en bas-âge. Le but est de briser les inégalités d’habitudes. Certaines enseignes ont déjà
appliqué l’inversion des genres sur les catalogues de jouets : exemple lecatalogue de jouets de Système U...
Mais les violences conjugales persistent
et continuent de toucher une femme sur 10. Une femme sur 10 a également subi
une agression sexuelle dans sa vie. Bien souvent le foyer est plus dangereux
pour elle que la rue. Pour combattre ces violences un plan pluriannuel a été
mis en place : il s’agit d’une politique interministérielle et partenariale
avec une stratégie triennale sous la forme d’un plan global contre les violences.
Les chiffres de la
violence : une femme meurt tous les 2.5 jours sous les coups (notons aussi
que les victimes collatérales sont difficile à chiffrer, mais en nombre
important : enfants, famille...).
En 2010 : 75000 viols ont été
déclarés (cela représente un viol toutes les 7mn...).
Les femmes et leur représentation.
Dans les médias, le temps de
parole des femmes expertes reste faible. Elles sont toujours dans une
différence par rapport à la norme « masculine » : exemple pour
l’équipe de France, s’il s’agit de l’équipe féminine on le précisera dans le
titre. Dans la publicité, on représente la femme à l’intérieur et les hommes à
l’extérieur où s’ils sont liés à un produit ménager c’est qu’ils sont experts.
Certes ils reproduisent la société mais caricaturale des destins des hommes et
des femmes.
Dans ces 10 dernières années, 13
prix Nobel ont été remis à des femmes (alors que seulement 30 ont été remis à
des femmes sur le dernier siècle).
Au niveau politique, des progrès
sont encore à faire : la part des femmes à l’Assemblée Nationale et au Sénat
est inférieure à 30%. Seules 2 régions
et 3 départements sont représentés par des femmes.
Alors que dans un même temps, le
taux d’emploi des femmes est de 59.7% (un des plus hauts d’Europe). Nous
noterons que la polarisation des femmes se fait sur les emplois les moins
qualifiés. Depuis les années 70, l’emploi des femmes augmente. Ceci est dû à
l’essor des professions employant principalement des femmes (ceux qui étaient
auparavant des emplois « gratuits » : ménage, soins, ...), mais
aussi à certaines professions qui se féminisent (la France est légèrement
au-dessus de la moyenne sur ce point là).
La féminisation tend avec la
nouvelle génération. Les inégalités sexuées ne sont pas liées au CSP : 2%
des PDG d’entreprise sont des femmes (aucune femme à la tête d’entreprise au
CAC 40). A noter que l’évolution de la féminisation des conseils
d’administration est plus forte que dans d’autres pays de l’Union Européenne.
Les écarts de salaires restent
importants. Si l’on compare les salaires à poste et temps de travail
équivalent, l’écart de salaire est d’environ 16%.
Les inégalités sont d’autant plus
fortes dans les petites entreprises et les PME/PMI qui n’ont aucune obligation
sur ce sujet.
Mais même dans les grandes entreprises
« féminisées », les femmes n’ont pas les mêmes responsabilités que
les hommes. La mixité ne suffit pas. Les entreprises acceptent parfois pour
donner une image sociale par pénurie de main d’œuvre... Certains se sont
aperçus que la diversification améliorait la performance des entreprises.
Les femmes qui arrivent à monter
l’échelle d’entreprise sont souvent celles qui ont un parcours d’excellence,
qui ont montré leurs compétences et fait leurs preuves sur leur propre projet.
La politique de promotion des
femmes a également encouragé les femmes à se diriger vers les métiers
scientifiques (mais concerne les catégories socioprofessionnelles supérieures).
Souvent l’entrée en carrière femmes /hommes est différente avec un écart de retard qui ne sera jamais
rattrapé... La mobilité interne aux entreprises est souvent défavorable aux
femmes qui n’osent peu ou pas demander une augmentation aux employeurs.
Des réseaux féminins se créent et
commencent à peser, notamment sur les réseaux sociaux.
Les freins aux évolutions sont
les habitudes et des freins psychologiques : les femmes s’occupent des
enfants et ne peuvent pas rentrer tard... En France, la politique du
« présentéisme » est aussi une discrimination inconsciente avec des
stéréoptypes : ceux qui partent le plus tard sont plus avantagés car ils
sont plus travailleurs (à la différence de l’Allemagne qui voit d’un mauvais
œil ceux qui restent tard : supposés moins bien organisés).
Les professions de la
magistrature et de la médecine se féminisent beaucoup : les anciennes
générations voient se fait comme un problème leur attribuant des problèmes
générationnels et non de sexe.
Dans le milieu politique, il est
difficile pour une femme de faire sa place dans les partis qui fonctionnent par
cooptation, gênant l’arrivée des femmes à des postes à responsabilité. Les
femmes peuvent hésiter à s’engager en politique car on ne veut pas d’elle, de
plus c’est un milieu violent. Les termes sont importants dans ce milieu et
révèlent parfois les difficultés ; ex : un homme public est un homme
politique, une femme publique est une prostituée.
Par la segmentation
professionnelle hommes/femmes on s’aperçoit que seuls 17% des métiers sont
mixtes (effectifs d’au moins 40% de chaque sexe dans la profession). Les
métiers dits « masculins » présentent une plus grande palette liée au
pouvoir et à la force ; les métiers dits « féminins » sont
portés sur les soins, entretien,... Des métiers jugés « pas
fatigants » (!!!).
Les enseignements dés le départ
sont sexués : les garçons sont plutôt dirigés vers les maths alors que les
filles sont orientés vers les métiers littéraires. La société a tendance à plus
valoriser un garçon qui aura un CAP, qu’une fille qui aura un BAC généraliste.
20% des jeunes seront orientés après la 3ème sur des filières
unisexuées : le sport (pour certains sports).
Les femmes et la famille.
Le taux d’évolution des familles monoparentales
est fort, avoisinant les 23.4% en France (34% en Tarn-et-Garonne !). Un
tiers de ces familles monoparentales vivent en deçà du seuil de pauvreté :
90% de ces cas concernent des mères seules.
Les hommes peuvent-ils changer ?
Dans la mesure où les femmes
veulent changer, les hommes n’auront pas d’autres choix que de changer leurs
habitudes. Il manque sur la place publique un lieu de débat et d’échange entre
les hommes et les femmes.
Il y a un écart de préconçus entre
les générations. Il a fallut attendre les années 80 pour voir des études sur
les hommes. Mais on reste peu ou mal renseigné sur comment évoluent les hommes.
Depuis 1992 les mentalités ont un
peu évolués. A cette époque l’égalité était inimaginable, alors qu’elle
commence à apparaitre aujourd’hui comme normale.
Dans les tâches domestiques, les
hommes sont plus autonomes, car plus amenés à vivre seul à une période de leur
vie (études, séparation...). Aussi, la confrontation des premiers couples est
parfois difficile, les hommes ne voulant souvent pas appliquer ce que leur
conseillent/demandent leur compagne.
Si l’on fait le parallèle avec
des couples homosexuels, on s’aperçoit que la domination ne se fait pas par
rapport au sexe mais plutôt par rapport à l’âge et/ou aux revenus.
La nouvelle génération présente
de grosses différences avec l’ancien mode de vie des précédentes : elle
veut plus de temps pour eux, leur famille, les enfants tant pour les hommes que
pour les femmes. Ces différences sont souvent attribuées au fait que les femmes
tendent à l’égalité alors qu’il s’agit d’une incompréhension
intergénérationnelle.
La séparation des couples se
passe relativement bien - rares sont ceux qui rencontrent des problèmes
(environ 2%). Dans certains cas, les hommes se découvrent de nouvelles
compétences (ils sont infantilisés par la société et leur rôle en couple). Les
femmes elles peuvent se redécouvrir femmes.
La communication hommes/femmes
est difficile car les canaux d’apprentissage et les normes véhiculées sont
différents. Mais aujourd’hui les hommes associent le changement au plaisir. Ce
n’est pas par la répression que l’on accèdera à l’égalité mais par l’éducation,
la culture,...
Tout en rappelant le chemin qu’il reste à faire,
il ne faut pas oublier
de valoriser les efforts réalisés.